• LE PROJET URBAIN: DES PISTES OUVERTES POUR LA RECHERCHE.

    LA MISE EN PROJET

    Pour Eurallile, la consultation internationale avait opté pour une procédure inédite. En effet, le jury soumettait chaque candidat à un oral de 90 minutes. Les postulants ne pouvaient se servir d’aucun support graphique ou visuel. Cette attitude du maitre de l’ouvrage visait à identifier des compétences aptes à élaborer des démarches de « mise en projet ». 

    Cette mise en projet se traduit par une fabrication de l’identité du projet combinant des éléments symboliques aux éléments rationnels. Ces « constructions » ne peuvent se départir d’une vision d’ensemble d’un cadre urbain.

    D’un autre côté, il s’agissait pour le jury de trouver une personnalité capable de fusionner le programme avec le projet.

    Enfin, cette personnalité devait montrer des dispositions au dialogue, aux remises en questions le long de la durée du projet.

    En terme plus directs, il s’agissait de pouvoir problématiser plus que de recourir aux « solutions ».   

    Finalement, cette expérience montre bien la portée fondamentale du projet urbain : une démarche qui s’attache à enchainer les questionnements à partir des « banalités » et différer les « solutions ». Dans ce sens, problématiser en situation urbaine est une performance essentielle, d’autant que le champ urbain est fondamentalement complexe. Cette caractéristique ne peut prétendre construire des solutions rapides et personnelles. En réalité, les solutions ne peuvent être l’apanage d’individus, ni de groupes : elles s’élaborent dans la concertation de tous les acteurs.

    Problématiser une situation urbaine est un exercice mental qui tend à poser les « bonnes » questions, à les classer et les hiérarchiser en différant les réponses. Bien sur cet exercice est appelé à mettre en exergue des situations de dysfonctionnements, de malfaçons et de désajustements. En réalité une situation urbaine comporte des atouts et des handicaps, dont une mauvaise maitrise produit des incohérences qui influencent d’autres secteurs.

     La mise en place du questionnement (classé et hiérarchisé) dénote déjà un « angle » d’attaque du sujet sous forme d’attitude ou de posture, et oriente le reste (hypothèse, démarches).

    LA PROBLEMATIQUE URBAINE AUJOURD’HUI

    Aborder le champ urbain  actuel revient à questionner à partir de l’état des « savoirs » constitués la réalité prégnante. En premier il s’agit de titiller la discipline « urbanisme » en rapport à la pratique.

    Nous constatons que des disciplines et des démarches, élaborées dans et pour d’autres secteurs sont venues s’insérer dans la pratique urbanistique.

     PROJET…

    La résurgence du concept « projet » est consécutive à l’ascendant des sciences de la gestion. En effet, la globalisation et le libéralisme ont favorisé l’autonomie des individualités. Ces dernières  élaborent des initiatives  pour assurer leur  survie dans une situation ou les phobies  et les incertitudes sont mises en scènes par des études réputées catastrophistes.

    Dans le sens commun, l’ambition et la vitalité sont toujours liées au « projet », c’est-à-dire, à une tentative de construire un  avenir meilleur  que le présent.  Le présent est le lieu de la construction du futur : le projet vient pour assurer une « valeur existentielle, ontologique, sociologique, anthropologique, philo-génétique… (il) est le vecteur essentiel de l’être en devenir, de l’être projeteur [i]».  

    Marketing

    Le marketing, le mot est lancé : c’est la nouveauté que les intervenants sur l’espace urbain et ses gestionnaires approprient pour mener à bien leurs concepts.

    LE PROJET URBAIN:  DES PISTES OUVERTES POUR LA RECHERCHE.

     

    Discipline qui consiste à concevoir l'offre d'un produit en fonction de l'analyse des attentes des consommateurs (consumer marketing), et en tenant compte des capacités de l'entreprise ainsi que de toutes les contraintes de l'environnement (sociodémographique, concurrentiel, légal, culturel…) dans lequel elle évolue.

    Dans ce sens, il y  a lieu de souligner d’autres enjeux que les acteurs de la ville veulent réussir.

    Outils d’aide à la décision

    Aujourd’hui, les méthodes et les outils favorisent l’anticipation sur les résultats par leurs apports comme outils d’aide à la décision et pour assurer une meilleure réception des produits.

    En effet,  les « décideurs » ont besoin de rétrécir les marges d’incertitude dans la conduite des projets et dans les résultats attendus. Ils ont aussi besoin de justifier, évaluer, corriger et d’appuyer et de valider leurs résolutions. 

    Dans l’histoire ancienne, les romains couraient derrière les oracles, les augures et les haruspices pour tirer les présages avant les grandes décisions.  Les monarques consultaient les prêtres, d’autres s’étaient entourés de « conseillers ». Ces rituels ont été les moments importants avant l’engagement dans les guerres…Aujourd’hui,  L’outil informatique permet de construire des bases de données et même d’effectuer des « restitutions » permettant de visualiser les interventions.

    Les probabilités et les possibilités dans l’aboutissement des projets  peuvent être donc « expérimentées » virtuellement grâce aux outils informatiques,  en mettant à nu tous  les facteurs, les données, et les éléments, leurs interrelations .Cette  complexité est élaborée pour évaluer les risques.

     CRISE DE L’URBAIN OU CRISE DE L’URBANISME ?

    Les villes se transforment : les métropoles se démarquent par leur gigantisme, leur hégémonie, insérant les territoires des alentours. Elles abritent des populations dont les nombre était dévolu à des nations, diverses, métissées, avec des attentes et des ambitions multiples. Elles sont convoitées politiquement et économiquement. Marchés, haut lieu de la consommation, laboratoire politique, elles ne cessent d’attirer les investissements et les personnes en quête d’emploi (venant des contrées transfrontalières).

    Elles couvent également des problèmes inédits. Eclatement urbain, surdensité, et ségrégation, difficultés de gestion, les métropoles s’érigent en Ville/nation.

     Cette situation a été favorisé par l’émergence de l’économie « quartenaire » qui concerne la production des richesses immatérielles. Les NTIC promettent beaucoup, et le monde constate les transformations qu’elles apportent dans la vie quotidienne.

    Les hommes ou une partie imposent certaines précautions, qui sont aujourd’hui  des contraintes nécessaires à la survie de l’espèce. L’environnement et l’écologie ne sont plus des « valeurs » théoriques. Dans ce sens le patrimoine s’est aussi épaissi : ce n’est plus uniquement le bâti historique hérité et classé, désormais il comprend le patrimoine humain, (éducation, science, santé…).

    La discipline « urbanisme »  semble impuissante à accompagner cette complexité urbaine. Cependant la typologie construite par F. CHOAY  est toujours de mise, sauf que les formes dépassent de loi celles attendues, il y a un demi-siècle.

    Les progressistes, les culturalistes et les naturalistes ont pour noms aujourd’hui, les modernistes qui enfourchent les innovations technologiques apportées par les NTIC, les culturalistes laissent entendre leur « écho » par le repli sur les valeurs authentiques toujours présentes dans le « passé » , la tradition ou dans le « local », enfin les naturalistes s’habillent en écologistes pour garder leur ancienne position d’anti-urbain. 

           Sur le plan « opérationnel », les urbanistes «  avouent » leurs limites en matière d’intervention et de pratique. Les nouvelles formes urbaines commandent de nouvelles  méthodes, de nouveaux profils et de nouvelles démarches.

    Même si les doctrines se multiplient, l’urbanisme cesse d’être une « affaire » politique seulement, ni « sociale » seulement, ni une discipline qui ne s’intéresse qu’à éviter les vacuités spatiales.

    Dans ce sens, l’implication collective, la concertation, la participation, la recherche des financement et les soucis de gestion de solvabilité deviennent des éléments fondamentaux. Ainsi, un système ou des acteurs s’ingèrent dans les réflexions et les opérations qui concernent la ville est mis en place pour réduire les marges de l’insuccès, et surtout pour trouver le compromis nécessaire à une adhésion, nécessaire à la réussite de projets impliquant les habitants d’une ville et même les générations futures.

    Dans ce sens le PROJET URBAIN, polysémique et ouvert semble être la doctrine indiquée pour parer à ces formes urbaines inédites.

     Pistes de recherches

    La notion de projet urbain ne bénéficie que de relatifs éclaircissements au fur et à mesure que les recherches avancent. Sa polysémie reste « inébranlable », cette caractéristique du concept a favorisé la multiplication et la diversification des tentatives d’approche.  

    Il y a lieu de saisir en priorité cette ouverture des initiatives urbaines, redonnant à la population un statut d’acteur, encourageant sa participation et appelant à son adhésion dans les affaires de la cité.

    Le projet urbain constitue un point de « focalisation » et d’entrecroisement des divers acteurs, impliquant une dynamique urbaine propre à propulser le développement local. Ce dernier se mesure dans les qualités accompagnant l’émergence d’une vie collective auréolée d’une mentalité adéquate et d’une attitude significative dans l’appropriation de l’espace et des idées.

    Par rapport à la planification, le projet urbain l’adopte comme appui, mais dans sa version souple, itérative et réflexive. Sa projection de l’avenir s’effectue par l’orientation des activités et des aménagements dans une vision planificatrice mais qui se remet en question pour mieux se relancer.

    Le projet urbain est étroitement l au temps. Il accompagne la fabrication de la ville. En ce sens, le projet urbain est « infini ». Il convoque et combine différentes temporalités et divers espaces urbains. Les décisions, les consultations et les interventions engagent divers acteurs, agissant dans différentes temporalités (politiques, sociales, techniques, quotidiennes…). En somme, le projet urbain doit pouvoir combiner le passé et le futur : « le projet urbain se situe entre le passé et le futur »[ii].

    La mixité et la pluralité des fonctions constitue un enjeu fondamental du projet urbain. Dans ce sillon, la réhabilitation et la revalorisation des lieux « obsolètes » tend à restituer la viabilité et rendre des espaces vivables. Les actions urbaines doivent privilégier l’émergence d’une vie communautaire en veillant à une réhabilitation des espaces publics, des lieux collectifs et des espaces intermédiaires.

    La cohérence urbaine est également un enjeu fondamental du projet urbain. Considérant la complexité de la réalité urbaine et des différentes échelles (local et global), le projet urbain s’attache à assurer une cohérence et une continuité urbaine. L’environnement, les formes urbaines, les équipements, les infrastructures et l’architecture doivent constituer une « ressource » guidant les élaborations urbaines. Ainsi le projet urbain doit agir sur la réalité urbaine et non sur sa représentation mentale. Il appuie et favorise l’identité en place valorise l’héritage et l’histoire, il se réfère aux « topies » consacrées, aux tracés, aux typologies, a

    ux styles aux techniques locales, aux matériaux, aux gabarits et aux rapports aux sites.      

     

     A.BOUCHAREB

    Communication présentée lors de la Journée d'Etude pour les perspectives de recherche (pour les doctorants et les masters). BISKRA.Novenmbre  2012

    [i] GUIBERT D (1987). Réalisme et architecture. Ed. P.Mardaga. Bruxelles/Liège. En p. 15. 

    [ii]  HAUMONT B. Un nouveau champ pour l’architecture et ses recherches. In Cahiers de la Recherche Architecturale. N°32/33 . 1993

     


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